14 février 2025-Technique

La fermentation malolactique en question, entretien avec Vincent Renouf, du laboratoire Excell

Etape-clé pour la qualité et la garde des vins rouges notamment, la fermentation malolactique (FML) cristallise les efforts des vignerons, œnologues, mais aussi des chercheurs. Nous sommes allés à la rencontre de Vincent Renouf, directeur général du laboratoire bordelais Excell (33), pour discuter des travaux de recherche menés sur cette thématique et des possibles évolutions de cette pratique au vu du contexte actuel. Entretien.

Vincent Renouf, quels travaux de recherche avez-vous mené avec vos équipes ces dernières années autour de la fermentation malolactique ?
Nous savons qu’outre son action positive, Œnococcus œni, bactérie à l’origine de la fermentation malolactique, peut aussi produire des composés nuisibles à la qualité des vins, comme par exemple les goûts de souris, le diacéthyle, le côté beurré, des acides gras ou acétique… Nous nous sommes donc employés à comprendre comment réaliser la fermentation malolactique tout en préservant la qualité du vin, en établissant le diagnostic des « bonnes » bactéries lactiques afin de les faire primer sur les mauvaises. Tout l’enjeu est de préserver la pureté du vin issu de la fermentation alcoolique, en mettant en œuvre des bactéries avec des populations connues, pour ne pas arriver à d’autres métabolismes que celui de la fermentation malolactique.

Avez-vous aussi spécifiquement enclenché des recherches en lien avec les évolutions climatiques et leur impact sur la fermentation malolactique ?
Oui, l’un de nos autres axes de recherche est de voir comment ces bactéries lactiques se comportent avec des paramètres en évolution, tels que le taux d’alcool, l’acidité mais aussi la tendance à utiliser moins de dioxyde de soufre (SO2). Les bactéries étant très sensibles à ce composé, le sulfitage de la vendange participait à assainir le milieu en diversité bactérienne. Aujourd’hui, avec des vendanges fréquemment peu sulfitées, de nombreuses bactéries parmi celles présentes sur le raisin, intéressantes lors de la fermentation alcoolique, peuvent ensuite nuire à la qualité des vins, chaque groupe de bactérie ayant un métabolisme propre. Il est souhaitable de tenter d’établir un diagnostic le plus tôt possible pour suivre le rapport entre levures et les bactéries, et la compétition qui a lieu dans l’occupation de la place, afin de déceler des intrusions de certaines bactéries inopportunes.

Les vins nés dans le contexte actuel de réchauffement climatique étant naturellement moins acides et plus stables microbiologiquement, ils peuvent questionner la pertinence des exigences réglementaires autour de la fermentation malolactique. Une évolution de la réglementation est-elle possible, voire déjà en gestation ?
C’est évoqué lors de réunions de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV). Au laboratoire, c’est un sujet que nous appréhendons notamment à travers l’évolution des vins de base destinés aux effervescents. Leurs cahiers des charges allaient dans le sens d’une fermentation malolactique organisée, mais c’est de moins en moins le cas, pour préserver la fraîcheur et l’acidité des vins. Une réflexion globale est enclenchée, et évoluera certainement dans les années à venir. Aujourd’hui, nombre de vignerons qui pratiquent l’assemblage n’opèrent déjà plus la fermentation malolactique sur certains lots peu acides et aux degrés élevés. Par le jeu de l’assemblage, le vin fini aura une teneur en acide malique suffisante pour répondre aux exigences actuelles. Du point de vue des cahiers des charges d’acheteurs, d’éleveurs aussi, il y a déjà des évolutions. Mais pour l’heure, les AOC de vins rouges, elles, n’ont pas encore fait évoluer ces exigences.

Vincent Renouf est l’auteur de l’ouvrage La fermentation malolactique dans les vins : Mécanismes et applications pratiques, 2013, éditions TEC ET DOC (223 pages).