A l’heure où les dernières cuves ont été écoulées, et où les fermentations malolactiques s’enclenchent dans les chais, Julien Viaud, œnologue consultant et associé au Laboratoire Rolland & Associés, déroule les grandes lignes de ce millésime 2024. 5 points clé qui offrent une lecture d’un millésime sous haute surveillance.
1. Un millésime tardif, une récolte alternée
Malgré un cycle végétatif qui démarre tôt après un hiver doux et humide, ce 2024 est à ranger du côté des millésime tardifs, avec une récolte qui s’est souvent prolongée jusqu’à la deuxième semaine d’octobre. L’été a manqué de jours d’ensoleillements, et les vendanges ont été ponctuées par une alternance de pluie et de beau temps.
2. Une pluviométrie importante qui impacte tout le cycle végétatif
Toute la saison viticole a été marquée par une importante humidité (1600 mm cumulés de novembre 2023 à octobre 2024). Une telle humidité – 70% de plus par rapport à la moyenne décennale – aura eu des conséquences pour la vigne (développement de maladies) et sur le rendement, avec une perte de récolte de 5 à 20% par endroits.
3. Les terroirs d’argile encaissent mieux les conditions climatiques du millésime
Les sols argileux, moins filtrants que des sols sableux, toujours capables de retenir d’importantes quantités d’eau et de la redistribuer de manière progressive, s’en sortent toujours mieux dans ce contexte météorologique. Il faut aussi noter que le cabernet sauvignon et cabernet franc, cépages plus tardifs et plus résistants, ont pu bénéficier des fenêtres d’ensoleillement de la fin septembre et du début du mois d’octobre, notamment les cabernets ramassés après le 5/10.
4. En vinification : le délicat équilibre
Dans ce contexte, tout l’enjeu de la vinification a été de travailler la structure et le milieu de bouche. Il a fallu éviter la fluidité, sans extraire une puissance que le millésime n’avait pas. Ni dureté d’un côté, donc, ni opulence de l’autre, il s’est agi de trouver ce subtil équilibre qui fait la grande caractéristique de Bordeaux.
5. Des jus expressifs, des vins sans excès
Les teneurs en alcool sont modérées. Pour les blancs, le travail sur les lies a permis de nourrir les milieux de bouches et les acidités parfois marquées ; les fins de presse – plus aromatiques, plus structurées – étaient intéressantes à conserver, sans aucun risque de lourdeur cette année.
Les macérations sous marc des rouges laissent se dessiner au fil des jours des vins tendres, accessibles, sans excès. Dès à présent, l’expression des différents terroirs est très lisible et reflète la diversité de comportement des sols viticoles.
Sur le plan viticole, le millésime 2024 aura été particulièrement éreintant : les vignerons n’auront connu ni trêve ni répit, ils auront été fatigués et particulièrement stressés par des conditions très incertaines, avec une alternance permanente de pluie et beau temps, sans que ce dernier ne s’installe durablement et tranquillise les esprits. Il aura fallu accompagner les équipes avec sang-froid et objectivité, en restant positifs et encourageants. Et en 2024, c’était un vrai défi pour les œnologues conseils que nous sommes !