16 décembre 2022-InternationalTechnique

2022 en Italie, un millésime en deux temps

Alors que l’année se présentait en Italie avec les mêmes caractéristiques que dans le bordelais, tout bascule à la mi-août : la pluie fait son apparition et modifie durablement le profil du millésime. Explications par Julien Viaud, œnologue consultant associé du laboratoire Rolland&Associés qui accompagne de nombreuses propriétés en Toscane, Ombrie et Vénétie.

2022 en Italie, ça démarre comme à Bordeaux, mais à partir du 15 août, c’est une autre partition qui se joue, c’est bien cela ?

Absolument ! On observe le même printemps très sec, avec des températures déjà très élevées pour la saison ; l’Italie connaît également de fortes vagues de chaleurs pendant l’été. Mais le pays est assez habitué à ces climats solaires, notamment en Toscane, qui subit la canicule estivale. Toute la gestion viticole est assez différente de la France dans ces contrées, car l’Italie, baignée par des vents chauds et secs, est habituée aux hausses conséquentes de température et à l’absence de ressource en eau.
L’irrigation d’abord, autorisée partout en dehors des vignobles produits en DOCG, l’altitude des vignobles ensuite (300 à 400 mètres en Toscane, comme en Ombrie) – qui offre des amplitudes thermiques intéressantes, sont des remèdes efficaces aux conditions climatiques éprouvantes pour la plante. Les nuits plus fraîches en altitude ont été bienvenues par temps de canicule…
Pour le reste, le cycle végétatif a été plutôt conforme à ce que l’on observe chaque année en Italie (débourrement en mars, floraison fin mai, véraison la deuxième quinzaine de juillet), mais à partir du 15 août, les épisodes de pluie deviennent réguliers, et le climat devient étonnamment océanique pour la région !

Quelles ont été conséquences de cet épisode de la mi-août ?

La pluie qui a tant surpris les vignerons italiens au mois d’août a reporté le ramassage des raisins : on avait une belle maturité, et on a dû attendre un peu la concentration. On vendange ainsi certains merlots à la mi-septembre, avant le nouvel épisode de pluie. Les cabernets sauvignons et francs sont ramassés à la fin du mois de septembre, les sangiovese tout début octobre en Toscane et en Ombrie. On a même attendu la mi-octobre pour récolter les sagrantinos en Ombrie.
Si la maturité des raisins était très bonne, l’enjeu fut donc d’appréhender l’éventuelle dilution par endroit. On observe sur ce point une très grande disparité entre les domaines, en fonction de leur terroir et de leur relief, les pluies d’août ayant été très localisées.

Comment décririez-vous les vins de ce millésime 2022 italien ?

Les vins seront de fait assez digestes, sans lourdeur, avec de la fraîcheur, sans l’impact d’un été caniculaire. En 2022, l’Italie aura produit un style bordelais ! Plus sérieusement, la puissance et l’opulence sont modérées ; les tannins sont souples, parce que les raisins étaient mûrs.
Pendant les vinifications, on a cherché à construire les milieux de bouche en optant pour des macérations assez longues, et en poussant légèrement les températures des cuves. Encore une fois, c’est parce qu’il n’y avait pas de déficit de maturité qu’on a pu prolonger les macérations, afin de travailler les structures de bouche. Vous verrez, on sera assez heureux d’ouvrir des 2022 italiens !