21 mars 2023-InternationalTechnique

2022 en Californie, ou l’art de la patience

Un hiver inhabituellement sec, des températures estivales extrêmes, en 2022 la nouvelle donne climatique n’a pas épargné la Californie. Alors on s’adapte, on adopte de nouveaux réflexes, et on affronte. Pour le meilleur.

Si 80% des précipitations annuelles ont habituellement lieu en hiver en Californie, alors ce millésime 2022 fut d’emblée une surprise pour les winemakers de la côte Ouest. Les pluies sont en effet restées très modérées jusqu’au mois de mars, au point qu’on a pu craindre une nouvelle sécheresse. Sauf que la nature est souvent bien faite, et que les pluies attendues en hiver sont en réalité arrivées au début du printemps. Jusqu’à la fin du mois d’avril, 15 à 20 mm sont tombés très régulièrement, permettant aux sols de construire enfin leur réserve en eau.

La saison printanière fut ensuite idéale : des températures stables, modérées, pas d’excès, pas de coups de chaud, jusqu’à la vague de chaleur historique, au tout début du mois de septembre. La Californie subit alors plus de dix jours au-dessus de 40°C, dont 7 au-dessus de 45°C, avec un pic à 49°C. La région est assez habituée aux températures élevées et les équipes ont depuis longtemps adapté leur viticulture à ces températures extrêmes. Le travail des sols au printemps, la gestion de l’irrigation, les outils techniques à disposition (les brumisateurs notamment) sont autant de réponses à ces excès climatiques. Ce qui reste très exceptionnel en 2022, c’est la durée d’exposition des vignes à ces températures particulièrement élevées. Dans ce contexte, c’est bien la disponibilité en eau et la capacité d’irrigation (nappes phréatiques, lacs de rétention, réserves en eau, etc.) qui ont été décisives pour passer cet épisode. Notamment parce que les températures qui suivirent ces 10 jours caniculaires furent idéales (32 à 35°C) et que certains ont même pu attendre la pluie très fine qui a lavé les raisins, et qui a permis un meilleur affinage des tanins.   

Pour ceux qui ont pu irriguer et attendre la météo plus tempérée de la mi-septembre, les vendanges ont lieu autour du 15, et se prolongent jusqu’au début du mois d’octobre avec d’agréables températures, autour de 28-30°C.

Au chai, il a fallu s’armer de patience : les extractions ont été particulièrement douces et lentes, les cuvaisons plus longues qu’à l’ordinaire (30-35 jours en règle générale) ; les anthocyanes et les tanins libérés plus tard. Lorsqu’on a pu faire face à ces conditions climatiques, les vins sont bien extraits, avec de jolies acidités et une certaine puissance.

Cette climatologie mouvementée, extrême, a encore une fois accentué les particularismes. Les terroirs chauds, avec faible rétention d’eau, qui n’ont pas pu être irrigués, ont eu du mal à affronter la période, tandis que les terroirs froids ont pu atténuer ces excès climatiques. Millésime après millésime, la viticulture californienne s’adapte et se réforme afin de produire des vins d’équilibre, aux degrés d’alcool modérés, et à l’opulence contenus. Pour le plaisir des amateurs.